L'histoire de la lingerie féminine

Des bandages antiques au raffinement de la haute lingerie d'aujourd'hui ou même de la lingerie de mariage, les dessous féminins racontent notre histoire. Au plus près du corps de la femme, ils nous révèlent des codes, des valeurs, notre rapport à l'intime et à la beauté.

D'abord effacées, puis façonnées avant d'être accompagnées, les courbes féminines subissent bien des transformations au cours des siècles. Une véritable épopée à fleur de peau, dont les balbutiements remontent à l'Antiquité...

La lingerie antique : bandages et tunique

Dans l'Antiquité, les standards de la beauté sont plutôt androgynes. Le sous-vêtement, très sommaire, n'a qu'un rôle utilitaire.

La femme grecque ou romaine maintient sa poitrine grâce à un bandage (l'apodesme en Grèce, le strophion à Rome) de lin, de laine et parfois de cuir, qu'elle enroule par-dessus ou bien sous sa tunique. On est bien loin du soutien-gorge de nos jours ! Le ventre et les hanches sont eux aussi comprimés à l'aide de bandelettes : les formes féminines sont gommées. La tunique, ample, achève de noyer la silhouette.

Détail amusant : les dispositifs portés dans l'Antiquité ressemblent furieusement à nos bikinis et ensembles de lingerie modernes !

Le sous-vêtement médiéval : chemise et chausses

 

Au Moyen-Age, la femme porte une simple chemise ou "chainse" sous ses vêtements. Les dessous de l'époque conservent un aspect pratique.

Celle de la paysanne est en toile de chanvre robuste, celle de la bourgeoise ou de la châtelaine est en toile fine, signe de richesse. Arrondi jusqu'au XIVème siècle, le col de la chemise forme peu à peu un "V" de plus en plus échancré. Un bandeau de toile, serré sur la chemise, maintient les seins, qui se veulent petits.

Sous sa chemise, la femme est nue : elle devra attendre la fin du XVIIIème siècle pour porter une culotte ! Elle protège cependant ses jambes par des chausses courtes, qui s'arrêtent au genou. Ces chausses sont retenues par une bande de tissu nouée autour de la jambe : c'est la jarretière.

En 2008, une équipe d'archéologues autrichiens retrouve de la lingerie datant du XVème siècle. Des pièces comme celle-ci retiennent particulièrement l'attention :

Très proche des modèles de soutien-gorge actuels, sa découverte recule de plus de 500 ans l'invention du soutien-gorge !

La lingerie Renaissance : corsage et vertugadin

Epoque charnière entre l'époque médiévale et moderne, la Renaissance est un temps de profonds changements. Il en va de même des dessous féminins, qui vont peu à peu acquérir une vraie dimension esthétique.

La chemise devient blanche. Cette blancheur est synonyme de propreté autant que de richesse. Depuis les grandes épidémies de Peste du XVème siècle en effet, l'eau, suspectée de transmettre la maladie, fait peur. La lessive n'est donc faite qu'une fois l'an dans les "grandes maisons". Contrairement aux plus pauvres, seules les familles aisées peuvent posséder assez de chemises pour en changer quotidiennement ! D'où l'adage de l'époque "ne font lessive que les pouilleux"...

Au temps de François 1er, on note aussi l'apparition du vertugadin ou "garde-Infante". Hérité de la sévère Espagne et porté avec un corsage en pointe rigidifié par une lame de bois, de métal ou d'ivoire (busc), cet accessoire contribue à modifier considérablement la silhouette de la femme.

Pour l'heure, l'esthétique est très raide et le maintien austère. L'anatomie féminine est jugée faible. On pense alors que la rigidité du maintien influence l'attitude générale de la femme. Elle est censée dominer ses passions, forcément coupables.../p>

Paradoxe ? Sous ses jupons, la femme ne porte toujours pas de culotte ! Catherine de Medicis (1519-1589) est pourtant bien parvenue à faire adopter le pantalon de lingerie aux dames de sa Cour. Mais il sera vite délaissé...

La lingerie Grand Siècle : dentelles et corset

Au XVIIème siècle, hommes et femmes se prennent d'un véritable engouement pour la dentelle. La lingerie se montre et s'enrichit.

En réaction peut-être aux lois somptuaires éditées sous Louis XIII, au temps du Roi Soleil, le luxe et l'élégance s'affichent jusque dans l'intimité. Le menu linge, devenu visible, est désormais ostentatoire. On laisse volontiers dépasser du corsage ou des manches de sa robe (ou de son habit !) l'exquise dentelle d'une chemise...

Plus court qu'autrefois, le corset n'aplatit plus les seins mais demeure très rigide. Extrêmement contraignant, il n'est porté que par les femmes de l'aristocratie et contribue à donner à leur buste une forme conique. Les paysannes, qui travaillent et doivent donc bouger aisément, lacent simplement un corselet, bien plus souple, sur leur jupe et leur chemise.

Lacé par devant, le corset prend le nom de gourgandine. Il laisse en effet entrevoir la chemise et s'orne de petits nœuds baptisés "Tâtez-y" ou "Boute-en-train". Un érotisme qui annonce déjà le siècle des plaisirs !

La lingerie du XVIIIème : paniers et jupons

Siècle libertin, le XVIIIème voit apparaître de coquets jupons en soie, ornés de rubans et de dentelles. Les gorges se dénudent et les dessous de ces dames stimulent l'imagination...

Le corset reste d'actualité, mais il va peu à peu se faire plus souple. En 1750, le corps médical dénonce même les méfaits du "corps à baleines" sur la santé des femmes. Sous Louis XV, ces dernières vont enfin commencer à respirer !

Sous la robe, les paniers font leur apparition. Très larges sur les côtés, plats devant et derrière, ils se composent de cerceaux de bois ou d'osier, suspendus à la taille par des rubans ou par des tiges verticales. Ils accentuent la rondeur des hanches, et par contraste, la finesse de la taille.

Les dames peuvent porter jusqu'à 12 jupons. Celui du dessus est toujours visible et a fonction de jupe. Il repose sur le panier, tandis que les jupons moins précieux se dissimulent en-dessous.

La lingerie du XIXème siècle : crinoline et pantalons

Avec le XIXème siècle, les paniers s'arrondissent et deviennent des crinolines. Jamais les jupes des femmes n'auront connu pareille ampleur ! 4 800 000 crinolines métalliques seront vendues en France entre 1858 et 1864.

Le corset a la vie dure, mais il se perfectionne : lacets élastiques, œillets métalliques : il s'adapte désormais à la vie des femmes. Il existe même des corsets de grossesse, des corsets souples pour les bains de mer... Il se porte dès le saut du lit. Lacé très serré, il répond à l'obsession de l'époque d'une taille toujours plus fine. Une scène mythique du film Autant en emporte le vent donne une bonne idée de cette torture quotidienne :

Le pantalon de lingerie, ancêtre de la culotte, réapparaît. D'abord exclusivement porté par les petites filles (il dépasse ingénument de leurs robes !), il sera peu à peu adopté par les femmes. Soumises à l'influence des hygiénistes, les parisiennes seront les premières à les adopter. Il faut dire aussi que la crinoline avait la fâcheuse tendance de dévoiler l'intimité de celle qui la portait, pour peu que celle-ci s’asseye ou se penche... Par commodité, ledit pantalon est fendu.

La lingerie Belle Epoque : tournure et corset "droit-devant"

Entre 1900 et 1914, l'encombrante crinoline a disparu, remplacée par la tournure. Ouvert devant, celle-ci ne soutient plus les jupons qu'à l'arrière de la silhouette. Les robes raccourcissent, tout comme le pantalon de lingerie. Le corps de la femme prend une forme "en S", très cambrée :

Cette silhouette caractéristique de l'époque est due au port d'un corset dit "droit-devant", inventé par le docteur Inès Gaches-Sarraute. Équipé d’un busc très rigide, il repose sur les hanches et s'arrête sous les seins, qu'il fait pigeonner. Il aplatit le ventre et projette les hanches en arrière. On est proche de la prothèse orthopédique. Mais le corset vit là ses dernières heures de gloire... Dès 1910, il tombe sous la poitrine, couvre les hanches et s'orne de jarretelles : la gaine n'est pas loin !

Avec l'essor des grands magasins et des catalogues, la lingerie n'est plus secrète. Elle devient même visible de tous. La consommation de menu linge ne cesse d'augmenter. La chemise de nuit doit être aussi élégante que la toilette de ville et les élégantes reçoivent volontiers en... déshabillé (ou tea-gown) !

La lingerie des Années Folles : caraco et culotte

1914. L'effroyable Grande guerre va bouleverser la vie des femmes. la silhouette féminine change radicalement.

Appelées à travailler pour pallier l'absence des maris partis au front, leurs vêtements changent et la lingerie s'adapte. Corsets, jupons et tournure sont abandonnés au profit d'une silhouette plus simple et rationnelle. Le changement est stupéfiant :

En l'espace d'à peine 20 ans, la poitrine s'efface tandis que les jambes se dévoilent. Les robes sont courtes et droites. Dessous, le caraco ne maintient pas les seins, qui se veulent discrets. Les poitrines généreuses s'enveloppent même de bandes Velpo pour mieux disparaître ! En 1914 cependant, une certaine Mary Phelps Jacob dépose le brevet de son invention : deux mouchoirs en soie reliés par un ruban rose. Le soutien-gorge renaît...

En 1918, une entreprise de bonneterie de Troyes lance la culotte courte. Par définition, celle-ci n'a pas de jambes... comme dans la chanson "Maman les p'tits bateaux", ce qui donna son nom à la célèbre marque.

La lingerie de l'Entre-deux guerres : soutien-gorge et bas Nylon

La lingerie des années 30 et 40 va redonner des formes aux femmes, notamment grâce à l'emploi de fibres de plus en plus souples et élastiques.

Des matières nouvelles, comme le Lastex et la rayonne puis la viscose, ont fait leur apparition. Le nylon de Monsieur Dupont de Nemours révolutionne les bas dès 1940. Robuste et peu onéreux, il se lave facilement, sèche vite et ne se repasse pas : succès assuré ! La gaine est en plein essor, avec en 1933, le lancement de la gaine "Scandale".

On le voit, le culte de la minceur initié dans les années 20 n'est pas près de cesser. Attaché ou pas à la gaine, le port du soutien-gorge se généralise. Ses bretelles élastiques l'ont rendu bien plus confortable ! C'est la firme américaine Warner qui met en place le système des tailles de bonnets, de A à D, qui a toujours cours aujourd'hui. Sous sa robe, la femme des années 40 porte une combinaison. Le vêtement à même la peau n'est pas encore pour demain..

La lingerie des années 50 : guêpière et balconnet

C'est pendant la Seconde guerre mondiale que naissent la guêpière et le balconnet. Tous deux accompagnent la nouvelle silhouette féminine, qui s'est considérablement amaigrie pendant le conflit...

Les françaises ont en effet perdu huit kilos en moyenne, entre 1939 et 1945. La finesse de leur taille ne doit plus rien aux corsets ! Les couturiers vont en faire un atout de séduction. Marcel Rochas invente la guêpière, qui souligne la "taille de guêpe", tout en épanouissant la poitrine et les hanches. Marylin Monroe, Ava Gardner... Les stars de l'époque n'hésitent pas à dévoiler leurs mensurations de rêve au public.

C'est pour l'une de ces étoiles du cinéma Hollywoodiennes que le soutien-gorge balconnet est créé, en 1943. L'opulente poitrine (100 D) de la magnifique Jane Russell avait en effet besoin de maintien...

La poitrine des années 50 se caractérise par sa forme "en obus". Tous les fabricants, de la Maison Cadolle à la Maison Lejaby, s'ingénient à faire remonter la poitrine des femmes. Poitrine saillante, taille de guêpe et hanches rondes : c'est l'âge d'or de la Pin-Up !

La lingerie des années 60 et 70 : collants et monokini

Les années 60 voient le corps de la femme se libérer... et se dénuder ! Les gaines, combinaisons et autres porte-jarretelles, tout comme le soutien-gorge, sont jetés aux orties.

Devant l'entrée fracassante de la mini-jupe dans le vestiaire féminin en 1962, les bas cèdent la place aux collants. La marque Bas dimanche commercialise ses premiers modèles dès 1964. 1 an plus tard, elle raccourcira son nom...

Le soutien-gorge a pris des couleurs et ne soutient plus grand-chose. La silhouette féminine est d'une finesse extrême, quasi androgyne. Nous sommes à des années-lumière des généreuses divas des Fifties ! Dès 1964, à Saint-Tropez puis sur les plages niçoises, les premières baigneuses "topless" font scandale. En 1968, lors de l'élection de Miss Amérique, des féministes jettent à la poubelle leurs soutien-gorges, qui symbolisent pour elles une oppression sexuelle.

Les années 70 vont voient la lingerie féminine faire le grand écart entre la mode unisexe et l'explosion des dessous ultra-érotisés. La femme est désormais maîtresse de son corps et de sa silhouette. Sa lingerie se résume à une paire de collants, à un slip et à un - voire zéro - soutien-gorge. Les dessous deviennent invisibles, unisexes : c'est l'ère du "no lingerie". La révolution sexuelle a eu lieu, la nudité n'est plus taboue.

Cette recherche de naturel va conduire les fabricants de lingerie traditionnelle au bord de la faillite. Ils vont cependant renaître grâce aux... films érotiques ! Le succès inattendu d'Emmanuelle en 1974, qui attire plus de 9 millions de spectateurs en France, va contribuer au retour de la lingerie (très) sexy.

La lingerie des années 80 : string et bas autofixants

La femme des années 80 est financièrement indépendante. La mode est aux corps athlétiques et aux vêtements moulants. Forte d'une sexualité affirmée, elle va notamment adopter le string, auparavant réservé aux strip-teaseuses...

L'élasthanne (ou Lycra), d'abord utilisé pour les vêtements de sport, s'étend aux vêtements et aux sous-vêtements. La marque Sloggi va d'ailleurs faire de l'effet "seconde peau" son fer de lance. Les femmes portent des pantalons "fuseau" (leggings), sous lesquels elles ne tolèrent plus les marques d'une culotte : le string est partout !

En 1986, Dim lance ses bas autofixants, aussi appelés bas-jarretières : les Dim'up, Ils répondent parfaitement à la recherche des femmes, qui souhaitent concilier féminité et esprit pratique. Le "bas qui tient seul" remporte un franc succès.

La lingerie des années 90 : ampliformes et slip brésilien

Volant la vedette aux jambes, la poitrine des femmes va être l'objet de toutes les attentions dans les années 90. La silhouette idéale est de plus en plus mince, à l'image de Kate Moss, la top model du moment. Les seins a donc besoin d'un petit remontant...

Le soutien-gorge ampliformes de Wonderbra existe depuis 1961. Composé de 54 pièces, il est conçu pour rehausser et recentrer toutes les poitrines, même les plus menues. Avec le retour en grâce des poitrines pigeonnantes, il va rencontrer un succès foudroyant dans les années 1990. En 1996, il entre même au Guiness Book des records !

Le string est toujours là mais il va peu à peu être détrôné par le slip brésilien. Sa bande plus large à l'arrière le rend en effet plus facile à porter. Témoin cette Leçon de séduction, issue d'un célèbre calendrier qui défraie la chronique dès 1998...

 

La lingerie des années 2000 à nos jours...

Au début des années 2000, l'histoire de la lingerie voit un retour à l’hyper-féminité. Véritable produit de mode, la lingerie est désormais accessible à toutes et partout.

La lingerie s'achète à bas prix, par correspondance, en supermarché... En parallèle, le marché de la lingerie de luxe s'est développé, surfant sur les vagues rétro ou avant-gardistes. La femme moderne se veut sûre d'elle et de son pouvoir de séduction. Initiatrice de ses plaisirs, elle n'hésite plus à jouer avec les codes de la féminité, pour elle-même avant tout. Comme dans cette publicité très sexy, sortie pour la Saint Valentin 2009 par la marque Agent Provocateur :

De nos jours, la tendance est à la lingerie équilibrée : suffisamment pratique pour être portée le jour, elle doit valoriser la silhouette. Mais elle doit aussi être suffisamment jolie pour être portée le soir. La femme d'aujourd'hui se veut naturellement sexy. Belle au naturel, sa lingerie doit lui permettre d'exprimer cette sensualité innée...

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