Histoire de la chaussure de cérémonie et d’apparat

« Humble, souvent déchirée par les ronces, souillée par la boue… la chaussure est capable de conduire l’esprit jusqu’à l’histoire des peuples et des civilisations ». Auteur de l’ouvrage La chaussure, l’historien Jean-Paul Roux décrit en une phrase l’utilité sociale de la chaussure. Outre sa fonction de protection des pieds, au cours des siècles, la chaussure a été un moyen de se distinguer en société et de donner une dimension esthétique à une tenue.

Que ce soit au quotidien ou au cours des cérémonies et des mariages, les personnes portaient leurs chaussures, comme un signe distinctif et remarquable de leur rang. La corporation des cordonniers créait des merveilles à base de matériaux nobles et de métaux précieux. C’est à la Cour de Versailles que la chaussure devint un accessoire tendance que l’on pouvait collectionner. 

De la poulaine à la chopine, en passant par des pratiques particulières comme les pieds bandés, les chaussures d’apparat, aussi insolites soient-elles, ont été des objets à la signification particulière.

La chaussure, un signe distinctif de statut social

La tenue a toujours été un moyen de se distinguer en fonction de son milieu social. La forme du vêtement, sa couleur ou les chaussures restent des critères visibles pour montrer son rang à tous.

Dans la Cité de Rome, seuls les citoyens romains pouvaient porter des chaussures, qui étaient des sandales avec des lanières en cuir. Les esclaves même affranchis devaient rester pieds nus.

La poulaine est une chaussure caractéristique de la fin du Moyen-âge. Cette dernière est une chaussure mixte et très pointue. La longueur de la pointe était un élément pour distinguer à son appartenance à une classe sociale. Plus le rang était élevé, plus la pointe était longue. Elle pouvait être relevée et rigide, avec un rembourrage. Les rois avaient une pointe de plus de 50 cm.

Malgré une interdiction royale de Charles V, qui trouvait ses chaussures impraticables pour la prière à genoux, ce type de chaussures furent en vogue, jusqu’à la fin du XVème siècle. D‘ailleurs, on peut voir un authentique modèle de poulaine en cuir de l’époque au Victoria and Albert Museum à Londres.

L’expression « va-nu-pieds » utilisée par des grands auteurs comme Victor Hugo définit à elle seule le fait que les chaussures sont des accessoires de luxe réservés à la catégorie bourgeoise de la population ou aux travailleurs. Les vagabonds ne peuvent pas s’offrir de chaussures.

La chaussure de cérémonie au fil du temps

La chaussure au fil du temps était devenue de plus en plus confortable et accessible. Aujourd’hui, femmes et hommes ne portent plus forcément des chaussures haut-de-gamme.

On mixe aussi bien  robe de créateur et baskets, que costume trois pièces et converses. Durant les siècles précédents, selon la position sociale ou la cérémonie, la chaussure devait être un accessoire prestigieux.

L'Antiquité

Unisexe, la chaussure la plus courante durant l’Antiquité, était la sandale de cuir tressé. Intégralement en cuir de vache, de la semelle aux lanières, elle est portée indifféremment au quotidien et durant les cérémonies, dans l’Empire romain et en Grèce.

Au temps des pharaons, ces derniers pouvaient porter des sandales avec des lanières en or. Dans le tombeau de Toutankhamon, des tongs à l’apparence très moderne ont été retrouvées, auxquelles s’ajoutent des protège-orteils, utilisés lors de la momification.

 

Le Moyen-Age

La poulaine était la chaussure de cérémonie, plutôt réservée à la classe aisée. Le reste de la population pour travailler aux champs ou ailleurs portait des chaussures à patins.

A la différence du sabot, qui n’est qu’un bloc de bois creusé, à la forme du pied, ce type de chaussure a l’avantage d’être articulé, grâce aux lanières, fixées à une épaisse semelle de bois. Souvent, hommes et femmes ne possédaient qu’une paire de chaussures, avec laquelle ils allaient à l’église le dimanche.

Les temps modernes

A la Renaissance, les hommes vont porter des souliers fermés, qui ont la caractéristique d’avoir un bout très large, que l’on appelle « bec de canard » ou « patte d’ours ». La mode de ce type de chaussures viendrait d’une anecdote historique. Il paraîtrait que Charles VIII avait six orteils à chaque pied. Pour son confort, il portait des chaussures très larges, ce qui fut immédiatement copié par ses courtisans, pour plaire au roi. 

Ci-dessous, on peut voir une reproduction pour la scène de la comédie française. Charles IX, via ordonnance royale, limita la taille des bouts des chaussures à 15 centimètres.

Pour les femmes, les chaussures prennent irrémédiablement de la hauteur, avec les chopines. Ces chaussures sont directement inspirées voire copiées de celles de femmes vénitiennes, qui ne souhaitent pas voir leurs robes mouillées, lorsque Venise était sous les eaux. Richement décorées de pierres et de métaux précieux, les chopines se caractérisent par un haut piédestal en bois et l’absence de talon. 

Les chopines sont des chaussures d’apparat, dont les femmes se servent pour sortir, même si elles semblent peu stables. Catherine de Médicis, reine de France au cours de XVIème siècle, en porta. Aujourd’hui, la chopine continue d’inspirer la haute couture.

L’importance des chaussures d’apparat à la Cour de Versailles

La chaussure a une importance capitale, au XVIIème siècle. Les cordonniers sont réunis en corporations. A la Cour du Roi soleil, le cordonnier Nicholas Lestage devient célèbre, grâce à une paire de bottes, destiné au roi. En cuir de veau, cette dernière est parfaitement à sa pointure et sans coutures, ce qui leur donne un confort sans égal.

Louis XIV, roi haut en couleurs, possède un grand nombre de paires et fut un grand influenceur à la Cour. Pour tout savoir sur la mode à Versailles, cliquez ici http://leroisoleil.over-blog.fr/article-petite-histoire-de-la-chaussure-90592250.html

La plupart des hommes portent des bottes, même pour aller au bal. Ces dernières sont souvent décorées de boucles en acier ou en laiton. Si leur paire est dotée d’éperons, ils devaient les masquer avec un morceau de tissu, afin de ne pas déchirer les robes des femmes en dansant. 

Les femmes, comme les hommes, portent des chaussures très travaillées, mélangeant le cuir, brodé, la dentelle, le velours et la soie. Avec un bout étroit voire pointu, son talon creusé appelé Louis XV se place sous la cambrure du pied. 

S’il y avait bien une reine de France, qui a voué un culte sans nom aux chaussures, c’est bien Marie-Antoinette. Cette dernière en possède près de 500 paires dites de chaussons, rangées dans un classement particulier et un domestique au Château travaillait à l’entretien de ses chaussures.

Les chaussures de Marie-Antoinette étaient assorties à ses robes, qui étaient pour la plupart, des créations de Rose Bertin, sa couturière attitrée. La Reine, selon le protocole, devait porter au moins 3 toilettes au cours de la journée et donc 3 paires de chaussures coordonnées. Dotée d’une grande influence, Marie-Antoinette lance des modes qui sont suivies par les femmes de la Cour et de province.

L'Empire

Avec la Révolution française, les talons hauts ne sont plus autorisés, car ils sont assimilés à la noblesse. Les talons reviennent peu à peu au milieu du XIXème siècle et le lacet fait son apparition. Les chaussures ne sont plus fermées par des boutons. 

L’impératrice Joséphine de Beauharnais possèdera plus de 500 paires de chaussures. Deux types de chaussures composent sa collection : les bottines courtes à lacets et les escarpins avec un nœud sur le dessus.

Au cours du XIXème siècle, la chaussure prend de la hauteur avec un talon bobine. Les mules fermées sont très en vogue. Pour voir plein de photos sur les modèles authentiques du XIXème siècle, rendez-vous sur ce lien http://un-certain-regard.eklablog.com/histoire-de-la-chaussure-c1145087

Si la robe de forme princesse de la reine Victoria a marqué un tournant dans l’histoire de la robe de mariée, en 1840, les mariées commencent à assortir les chaussons à leur robe de cérémonie.  Aujourd’hui, les mariées n’ont que l’embarras du choix, vu la quantité de formes de chaussures qui existe.

Le XXème siècle

Si la France a souffert des restrictions durant les 2 guerres mondiales, c’est bien durant les années 20 dites « années folles », que l’heure est à la fête, pour sortir ses plus belles chaussures.

La mode va aux escarpins à brides avec des talons. Les chaussures peuvent être en cuir ou de couleur métallisée, avec des détails de strass et de perles. Les salomés avec une bride au milieu du pied font leur apparition, en tant que chaussures pour aller danser sur des rythmes effrénés. 

Dans les années 50 / 60, les chaussures de cérémonie prennent des formes de plus en plus proches de ce que les femmes portent actuellement avec des chaussures open toes (escarpins avec une ouverture au niveau des orteils), avec de larges talons.

Les chaussures insolites au cours des siècles

Si les chaussures sont des accessoires indispensables pour marcher, elles font l’objet de coutumes insolites, de légendes fantastiques ou de créations fantasques.

Les chaussures pour pieds bandés en Chine

En Chine, du Xème au XXème siècle, des milliers de femmes ont été gravement mutilées, par la pratique des pieds bandés. Cette technique barbare consistait à réaliser un bandage très serré des pieds, afin d’en réduire la taille et la largeur au maximum. 

D’où vient cette pratique ? C’est l’empereur Li Yu qui aurait imposé cette technique, à sa concubine Yao Niang, afin que cette dernière puisse exécuter la traditionnelle danse du lotus. 

Le pied est perçu comme un symbole érotique et le bander est un signe d’embellissement sexuel, qui est réalisé dans les familles de tous les milieux, qui espéraient marier leurs filles à des familles riches. Il faut savoir que montrer son pied nu était considéré comme un attentat à la pudeur à l’époque.

Suite à une cérémonie à base de sang animal et de plantes, les pieds étaient bandés de manière à ne mesurer qu’à peine 8 centimètres. La chaussure pour pieds bandés ressemblait à celle pour enfants de 10 centimètres de longueur. Il faut savoir que les filles perdaient leurs orteils nécrosés, faute d’irrigation sanguine et que bon nombre y ont laissé leur vie, victimes d’infections. Cette pratique a été interdite dans les années 50.

Les chaussures imaginaires

Dans un registre nettement plus léger, la collection de chaussures de personnages de contes de fées d’Aliester de Naphtalène permet de faire rêver les plus petits, comme les grands. Cette exposition itinérante traverse un grand nombre de musées de France. Pour la voir en images, voyez cette vidéo ci-dessous:


  

La chaussure de la femme de chambre de la Belle au bois dormant est tout à fait fascinante. Dans son talon, se cache un endroit pour placer des allumettes. Sous la semelle, il y a un grattoir pour embraser le feu. Elle peut donc allumer la bougie de cire fixée sur la pointe de la chaussure. Ingénieux !

La pièce maîtresse de la collection est la chaussure de l’ogresse, avec un couteau qui fait office de talon démesuré. Cette bottine ne peut accueillir qu’un pied d’ogresse, avec 2 m 60 de lacets.

 

Les chaussures Ballerina Ultima de Louboutin

Tout aussi irréelle, la chaussure Ballerina Ultima est une ballerine avec un talon de plus de 20 centimètres de haut. Louboutin, célèbre créateur des chaussures aux semelles rouges, propose des modèles plus portables comme Pigalle qui peuvent se porter à l’occasion d’un mariage.

Le talon du modèle Ballerina Ultima a clairement inspiré le design du nouveau vernis à ongles Louboutin.

 

Les Armadillo d’Alexander Mc Queen

Si Lady Gaga a clairement popularisé les Armadillo d’Alexander Mc Queen, ces dernières restent des chaussures inclassables.

Vu la hauteur impressionnante du talon et de la plateforme, elles ne peuvent pas être portées au quotidien, pour acheter son pain. Les « Monster shoes » restent des chaussures de fête et de scène, qui font rêver les fashionistas.

Les chaussures de cornets de glace

Lorsque le créateur Karl Lagerfeld rencontre l’univers des chaussures en plastique Mélissa, le résultat est gourmand. En effet, avec un talon en forme de cornet surplombé d’une boule de glace,  cette chaussure peut parfaitement être portée avec une robe de mariée courte, version tutu ou tailleur.

La ice-cream shoe est une chaussure à la fois drôle et sympathique, qui a le mérite de dynamiser et de donner un aspect fun à une robe de mariée.

La chaussure dans l’art contemporain

La chaussure peut être du grand art et même porteuse de symbole. L’artiste Joana Vasconcelos propose une représentation du stiletto, en casseroles. Géante, cette chaussure montre bien le paradoxe entre le fait d’être féminine et les obligations ménagères qui sont attachées à la femme, le portant au pied comme un boulet.

Si vous souhaitez tout savoir sur l’histoire de la chaussure, allez visiter le musée international de la chaussure http://www.ville-romans.fr/mon-quotidien/culture/165-le-musee-international-de-la-chaussure.htm, qui se situe à Romans, dans le département de la Drôme en Rhône-Alpes.

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